Avocat au Barreau de Dunkerque
Bien souvent, les contrats de travail d’aides ménagères travaillant chez des personnes âgées contiennent une clause leur faisant interdiction de recevoir de la personne âgée une quelconque rémunération ou gratification en complément de leur salaire.
Toutefois, la Cour de Cassation, dans une décision rendue le 25 septembre 2013, a jugé que le testament effectué par une personne âgée au profit de son aide ménagère pouvait être valable, même en présence d’une telle clause dans le contrat de travail de cette dernière.
Elle a en effet estimé que cette clause ne pouvait avoir d’effet qu’entre l’aide ménagère et son employeur, qui n’était pas la personne âgée directement mais une association.
Dans ces conditions, seul l’employeur pourra sanctionner le non-respect par la salariée de ses obligations, en prononçant éventuellement une sanction disciplinaire à son encontre, mais le testament restera valable et ne pourra pas être contesté par les autres héritiers.
Extraits de la décision :
Cour de cassation – Chambre civile 1
Audience publique du mercredi 25 septembre 2013
N° de pourvoi: 12-25160
« Attendu, selon l’arrêt attaqué, qu’Emile X… est décédé le 22 avril 2007 en laissant pour lui succéder son fils, Paul et en l’état d’un testament olographe du 3 août 2006 et d’un testament authentique du 10 janvier 2007 par lesquels il avait consenti divers legs particuliers à son aide-ménagère, Mme Y…, salariée de l’Entraide sociale du Var ; qu’un jugement a prononcé la nullité des testaments, le premier en considération de l’interdiction faite à la gratifiée de recevoir à titre gratuit, le second pour insanité d’esprit ;
(…)
Vu les articles 902 et 1165 du code civil ;
Attendu qu’aux termes du premier de ces textes, toutes personnes peuvent disposer et recevoir, soit par donation entre vifs, soit par testament, excepté celles que la loi en déclare incapables ;
Attendu que, pour annuler le testament du 3 août 2006, l’arrêt retient que Mme Y… embauchée le 1er mars 2006 par l’Entraide sociale du Var, avait été envoyée chez Emile X… en qualité d’aide-ménagère, qu’elle avait, le 17 avril 2006, bénéficié d’un hébergement gratuit chez cette personne et, dès le mois de mai 2007, reçu procuration sur les comptes bancaires, qu’elle a ensuite été, après quelques mois de travail seulement chez cette personne âgée, bénéficiaire d’un legs portant sur un bien immobilier alors que son contrat de travail stipulait, dans son article 16 : « L’aide-ménagère ne doit recevoir de la personne âgée aucune rémunération ni gratification » et que, par ailleurs, le règlement intérieur précisait : « L’aide à domicile est rétribuée par l’association ; vous n’avez donc pas à lui donner ni gratification en nature ou argent, ni pourboire » ; que l’arrêt ajoute que ces dispositions, destinées à protéger la personne âgée vis-à-vis de son auxiliaire de vie ou de son aide-ménagère et à éviter toute libéralité, qu’il s’agisse de dons manuels ou de cadeaux ou qu’il s’agisse, a fortiori, de libéralités plus importantes, entre vifs ou à cause de mort, s’imposaient à l’égard de Mme Y… avec d’autant plus de force qu’Emile X… était, dès la prise de fonctions de celle-ci, dans un état de santé physique et psychologique très déficient, qu’il était totalement dépendant de son aide-ménagère et qu’il était d’autant plus vulnérable qu’il était privé de toute relation avec son fils et sa belle-fille ;
Qu’en statuant ainsi, alors que Mme Y… n’étant pas frappée d’une incapacité de recevoir à titre gratuit, l’inobservation des obligations mises à sa charge par son employeur ne pouvait affecter la validité du legs qui lui avait été consenti, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il annule le testament du 3 août 2006, l’arrêt rendu le 9 mai 2012, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Montpellier »