Adoption de la réforme pénale : les principaux changements

10/2014

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Sophie ANDRIES

Avocat au Barreau de Dunkerque

L’objectif de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales est de sanctionner plus efficacement afin de mieux prévenir la récidive et mieux répondre aux besoins des victimes.

Elle définit ainsi la fonction et les finalités de la peine en créant l’article 130-1 du Code Pénal ainsi rédigé :

« Afin d’assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l’équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :
1° De sanctionner l’auteur de l’infraction ;
2° De favoriser son amendement, son insertion ou sa réinsertion. »

Les principaux changements mis en place par cette réforme pénale :

1.      Consécration du principe de l’individualisation de la peine qui doit être fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l’article 130-1.

 Sont ainsi supprimées les peines plancher pour les récidivistes et les révocations automatiques de sursis, une plus grande liberté d’appréciation étant rendue aux magitrats.

2.      Création d’une nouvelle peine sans emprisonnement : la contrainte pénale (art.131-4 et suivants du Code Pénal)

 Elle consiste à respecter en milieu ouvert des obligations et interdictions.

Il s’agira, par exemple, de l’obligation de réparer le préjudice causé, de l’interdiction de rencontrer la victime, d’une obligation de formation ou de travail, de l’obligation de respecter une injonction de soins, d’effectuer un travail d’intérêt général …

La durée de cette peine peut aller de six mois à cinq ans.

Le contrôle sera exercé par le Juge de l’application des peines.

Cette peine pourra être prononcée pour l’ensemble des délits à partir du 1er janvier 2017, et dès le 1er janvier 2015 pour ceux passibles d’une peine de 5 ans de prison maximum.

 3.      Evaluation systématique de la situation des détenus aux deux tiers de la peine

Cette évaluation a pour but de lutter contre les sorties sèches de prison, c’est-à-dire sans mesures d’accompagnement.

Ainsi, une libération sous contrainte peut être décidée par le juge de l’application des peines, comportant des mesures de restriction, d’obligations et/ou de surveillance.

Ces mesures ne pourront bénéficier qu’aux personnes condamnées à une peine de cinq ans d’emprisonnement au plus et après avoir exécuté les deux tiers de la peine

 4.      Renforcement des droits des victimes

 La loi prévoit que les victimes puissent saisir la justice de ce qu’elles estiment être une atteinte à leurs droits en cours d’exécution de peine, et demander à être informées de la fin d’une peine de prison.

La justice restaurative fait son apparition lorsque les faits ont été reconnus.

Ce système vise à permettre à des victimes et aux auteurs d’infractions de se rencontrer pour aider les uns à se réparer et les autres à prendre conscience du préjudice causé.

« Constitue une mesure de justice restaurative toute mesure permettant à une victime ainsi qu’à l’auteur d’une infraction de participer activement à la résolution des difficultés résultant de l’infraction, et notamment à la réparation des préjudices de toute nature résultant de sa commission. Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République.»

 5.      La césure possible du procès pénal

Selon une procédure courante dans plusieurs systèmes étrangers, la juridiction pourra désormais se prononcer sur la culpabilité d’un prévenu et reporter le prononcé de la peine à une audience ultérieure dans un délai maximum de quatre mois. Cette césure doit permettre de mieux apprécier la peine à prononcer en fonction de la personnalité du prévenu et éventuellement de son comportement envers la ou les victimes.

Le tribunal pourra prononcer la culpabilité et des mesures d’indemnisation des victimes lors d’une première audience, et renvoyer sa décision sur la peine à une seconde audience pour avoir davantage d’informations sur la personnalité et la situation de l’auteur. La nouvelle audience devra se tenir dans un délai maximal de quatre mois (de deux mois en cas de placement en détention provisoire). Ce délai pourra être prolongé d’une nouvelle durée de quatre mois si elle n’a pu se tenir.